Des universitaires américains spécialisés en linguistique et en sociolinguistique ont étudié un certain nombre de langues, dont l’arabe, le russe, l’anglais, le français, le portugais, le coréen, le chinois, l’espagnol ou l’allemand. Leur objectif : comprendre si le langage humain peut révéler ou non l’optimisme d’un peuple. Les résultats sont pour le moins surprenants…
Les chercheurs se sont appuyés sur des corpus (des objets d’étude) de littérature classique, mais pas seulement. À la différence de ce qui se pratique actuellement dans ce type d’étude, ils ont aussi intégré à leur analyse de la langue actuelle en étudiant des corpus issus de Twitter, de Google, ou de sous-titres de films et de séries TV.
Ils ont donc dressé des corpus statistiquement comparables d’une langue à l’autre, et ont utilisé les statistiques afin de classer les mots par classes lexicales. Ils ont ensuite établi des rangs selon la fréquence d’utilisation de ces lexiques, ce qui leur a permis de comparer les langues entre elles.
L’objectif a été de rendre quantifiables les mots qui relèvent d’émotions positives tout comme les mots relevant d’émotions négatives.
Sans entrer dans les détails — puisque l’analyse est réellement aussi complexe que complète — il s’avère que chaque langue offre une particularité concernant la fréquence de ces mots d’émotion positive ou négative. Ceci signifie que, sur la planète, tout le monde ne voit pas la vie en rose de la même manière. Et à ce jeu, certaines langues apparaissent résolument optimistes, et d’autres résolument pessimistes !
La langue la plus optimiste, selon la définition de cette étude, est l’espagnol ! Elle est suivie de près par le portugais.
Contrairement à ce que la crise pourrait laisser penser — notamment à travers la lecture des articles de journaux ou de l’abondante littérature apocalyptique — viennent ensuite l’anglais et le français. L’allemand possède un profil semblable au français, quoiqu’un peu plus sombre. L’indonésien n’est pas loin derrière.
Les langues les plus pessimistes sont des langues orientales. L’arabe puis le coréen sont pourtant plus optimistes que le russe, et surtout, que le chinois qui est la plus pessimiste de toutes les langues étudiées.
L’intérêt de cette étude était de montrer que l’anglais — langue maternelle des chercheurs — n’était pas un vecteur de pessimisme. Il s’agissait bien d’aller à l’encontre de certaines idées reçues. C’est vrai pour tous les corpus, sauf pour les chansons ! Les chansons anglophones sont souvent tristes, mais il est vrai que le blues est une invention américaine…
Il ne faut pas conclure à la légère. Ce type d’étude sociolinguistique est passionnant, mais néanmoins ne se fonde pas sur tous les usages de la langue : le corpus est nécessairement restreint par rapport au réel, comme pour tout modèle d’étude. Aussi, plutôt que d’établir des rangs entre les langues, il est plus intéressant de constater que chacune de ces langues est issue et construit, dialectiquement, une vision du monde. Les Espagnols utilisent plus fréquemment le mot « heureux » que les Chinois. Peut-être ces derniers utilisent-ils de nombreuses périphrases pour exprimer le bonheur. Et finalement, à la lecture, si Shakespeare est aussi grinçant que Molière, si Goethe est aussi guilleret que Lamartine dans son désespoir, il faut relativiser cette étude pour penser que si tous les peuples recherchent le bonheur, chacun l’exprime à sa manière…
C’est la raison pour laquelle le New York Times, journal qui ne cesse d’annoncer des catastrophes économiques, géopolitiques et sociales, parvient tout de même à utiliser beaucoup plus de mots à connotation positive qu’à connotation négative. Tour de force ou vision du monde représentative de l’esprit de tout un peuple ?…