Pour des raisons footballistiques, on a beaucoup parlé de Brésil pendant cet été. Mais on a peu évoqué la mort, à 87 ans, de l’écrivain brésilien Ariano Suassuna Vilar. Pourtant, créateur du mouvement Armorial, il était l’un des grands défenseurs de la culture populaire du pays, et notamment du Nordeste. Retour sur un personnage hors du commun…
C’est le 16 juin 1927 qu’Ariano Suassuna Vilar est né à João Pessoa, anciennement appelé Paraíba. Son père était gouverneur de la ville, mais bien vite la famille déménage dans l’arrière-pays. Son père, justement, se fait assassiner pendant la révolution de 1930, pour des raisons politiques, à Rio.
Ariano découvre, dans son enfance, le théâtre typique de pantomime appelé mamulengos.
Il assiste également à des défis improvisés de viola, cet instrument étant aussi appelé bérimbau ou gunga, sorte d’arc dont on joue en frappant la corde et qui est un instrument très ancien au Brésil, importé par les esclaves africains par les Portugais.
Ariano Suassuna mène des études de droit à Recife pendant lesquelles il fonde le théâtre de Pernambouc. Il écrira à partir de ce moment un grand nombre de pièces jouées notamment par les étudiants. Ces pièces de théâtre connaissent très vite une grande audience populaire jusqu’à 1956.
À cette année, Ariano Suassuna devient professeur d’esthétique à l’université de Pernambouc. À cette époque, il s’adonne surtout à la mise en scène.
Il sera membre fondateur, en 1967, du conseil fédéral de la culture. En 1970, il crée le fameux mouvement Armorial qui s’intéresse à la connaissance et au développement des formes traditionnelles d’expression populaire. Ce mouvement esthétique mêle théâtre, chant, danse, musique et trouve ses racines dans l’histoire du Nordeste, intégrant même la musique baroque importée du Portugal à l’époque. Il intègre aussi la peinture et la sculpture.
De 1958 à 1979, Ariano Suassuna devient romancier, étant un auteur phare du mouvement Armorial.
Dans les années 90, Ariano Suassuna est même secrétaire d’État à la culture sous le gouvernement de Miguel Arraes (1994-1998). Il est membre de l’Académie des Lettres Paraibana et docteur honoris causa de l’université fédérale de Rio Grande do Norte en 2000, et de l’université fédérale de Ceará en 2006.
Les thèmes de ses recherches sont repris par de nombreuses écoles de samba célèbres de São Paulo.
Jusqu’à la fin de sa vie, Ariano Suassuna est impliqué dans la recherche et la diffusion de la culture populaire. En 2014, à 87 ans, il est encore conseiller spécial du gouvernement de Pernambouc d’Eduardo Campos.
Le théâtre d’Ariano Suassuna fonde le théâtre moderne brésilien. Enraciné dans les traditions, il montre une lecture contemporaine du pays et est adapté couramment au cinéma et à la télévision. Le mouvement Armorial est complexe et souhaite réinvestir toutes les formes d’expression artistique, de la musique au théâtre, des arts visuels à l’architecture, de la littérature à la danse. Il est dès sa création soutenu par l’institution et fédère un bon nombre d’auteurs brésiliens, surtout à partir du moment où la Ville de Récife et le ministère de l’Éducation de l’État de Pernambouc offrent leur appui.
L’objectif du mouvement est de renforcer la culture populaire du Nordeste en créant un art brésilien classique à partir des racines populaires du pays.
L’une des racines du mouvement Armorial se situe dans le genre littéraire de la Brochure (literatura de cordel), un genre populaire écrit sous forme rimée s’appuyant sur de la tradition orale puis transmise sous forme de prospectus qui remonte au XVIe siècle. Les tracts sont exposés à la vente traditionnellement suspendus à des cordes ou des chaînes (cordel) au Portugal, d’où le nom du genre. Au Brésil, même si ces tracts ne sont pas vendus sous cette forme, ils sont souvent illustrés d’une gravure sur bois servant de couverture. Ensuite, il est habituel que les textes soient accompagnés de musique lorsqu’ils sont récités.
Le mouvement Armorial pense que la Brochure est l’un des genres les plus aptes à exprimer la culture populaire et, plus, les aspirations et l’esprit du peuple brésilien.
Dans ce mouvement, on peut noter la présence de Francisco Brennand, Raimundo Carrero, Gilvan Samico, et des groupes Balé Armorial do Nordeste, Orquestra Armorial de Câmara, Orquestra Romançal ou du Quinteto Armorial.
Car dans le mouvement Armorial, les spectacles en plein air et ouverts à tous sont fondamentaux. Ils mettent souvent en scène des personnages mythiques, des chants, des robes princières fabriquées en chiffons, ou des animaux mystérieux.