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Meilleur recueil de nouvelles 2013 : Frank Bill

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La magie de l’édition, c’est quand un illustre inconnu, comme Frank Bill, casse la baraque du jour au lendemain. Son recueil de nouvelles Chiennes de vies, est unanimement salué et vient d’être primé Meilleur recueil de nouvelles 2013 par le magazine Lire.

Les histoires scabreuses de l’Amérique profonde ont en ce moment le vent en poupe. Ici, l’intrigue se situe en Indiana, pays de la bière, du bourbon, des mobile homes, des dealers, des bipolaires et des anciens soldats d’Afghanistan.

Un coup de masse sur le crâne

Violent, brutal et brut, excessif mais aussi terriblement attachant : ce recueil de nouvelles est une véritable réussite littéraire offrant une galerie de portraits hauts en couleur en même temps que la (triste) chronique du siècle.

D’ailleurs, Donald Ray Pollock, auteur du Diable, tout le temps (Albin Michel) élu Meilleur Livre de l’année 2012 par Lire, ne s’y est pas trompé. « Bon sang, mais d’où il sort, ce type-là ? Il carbure à toute blinde et cogne fort, très fort, vous laissant sonné comme si vous aviez pris un coup de masse sur le crâne après avoir sniffé de l’acide de batterie« .

Le premier roman de Frank Bill, Donnybrook, vient d’ailleurs d’être publié aux États-Unis : vivement qu’il soit traduit et disponible en France !

En savoir plus

  • Chiennes de vies. Chroniques du sud de l’Indiana, par Frank Bill. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Isabelle Maillet (Série Noire/Gallimard)
  • Le blog de Frank Bill
  • Lien vers Amazon

Extrait de Chiennes de vies de Frank Bill

La porte éraflée s’ouvrit à la volée sur Trident et Darnel, qui déboulèrent dans la chambre de motel comme deux décharges de chevrotine. Se servant du lit à la courtepointe imprimée de marguerites pour établir une frontière entre les acheteurs et les vendeurs, Trident planta le Colt 45 dans sa main droite au milieu de la broussaille des sourcils joints de Karl, en même temps qu’il plaçait entre les yeux verts d’Irvine le canon scié calibre 12 qu’il tenait dans sa main gauche. Il éloigna ensuite du matelas les deux jeunes, les fit s’arrêter devant le mur repeint à la nicotine et ordonna : «Lâche les sacs, Karl !»
Des spasmes convulsifs contractèrent les bras de débardeur de Karl, qui finit par laisser tomber les deux lourds sacs à dos militaires. Irvine, immobile à côté de lui, la poitrine se soulevant et s’abaissant à un rythme précipité, protesta d’un ton geignard, digne d’un vrai cul-terreux du sud de l’Indiana : «Hé, c’est not’ deal, merde !»
Derrière Trident, son grand frère Darnel repoussa d’un coup de pied la porte de la chambre, puis dirigea les deux acheteurs vers la droite du lit, tout contre la table de chevet, avant d’abattre une matraque en cuir lesté sur la pointe de cheveux en haut du front de Dodo Kirby, permettant ainsi aux genoux de ce dernier de lier connaissance avec la moquette trouée à la cigarette. Le cadet de Dodo, Uhl, avança d’un pas, et, dévoilant une mauvaise dentition en damier, articula : «Bordel, mec, tu peux pas…» Darnel lui fit obligeamment tâter de sa matraque, lui broyant le nez, réduisant ses lèvres à une pulpe couleur myrtille. Glissa le bâton dans sa salopette, sortit de son autre poche un rouleau de fil de fer, secoua la tête et lança : «Je peux pas quoi, hein ? On a jamais donné notre accord pour ce deal. On est venus récupérer ce qui est à nous.»
Trident et Darnel s’étaient aperçus que plusieurs de leurs containers de stockage avaient singulièrement perdu du poids entre le moment où ils avaient été pesés pour un client et celui où le client en question s’était plaint du résultat après les avoir repesés. Il ne leur avait pas fallu longtemps pour identifier les responsables de l’écrémage, vu que les mains fiables ne couraient pas les rues. Alors ils avaient fait passer le mot au shérif du comté de Harrison, Elmo Sig, dont ils graissaient la patte depuis bien dix ans, et qui, en échange, les laissait organiser leurs petits trafics dans le seul motel de la ville. Sig se chargeait également de filer des tuyaux aux agents de la DEA pour les aiguiller vers d’autres comtés, les détournant ainsi du sien. Il avait une seconde paire d’yeux et d’oreilles en la personne d’un certain AK, qui opérait dans les environs. Celui-ci avait raconté un peu partout qu’il avait entendu parler de ces deux jeunes en possession d’un stock d’herbe premier choix, qu’ils avaient un besoin urgent de transformer en cash. La transaction devait avoir lieu dans le même motel où ils avaient vu Darnel et Trident effectuer les leurs.
Darnel s’accroupit. Appuya un genou sur la flanelle bleue habillant la colonne vertébrale d’Uhl. Entreprit de lui tisser avec le fil de fer un réseau serré de huit entre les poignets. Retira de sa poche arrière une pince coupante. Sectionna le fil de fer. La sueur inondait la jungle de boutons d’acné rouges et blanc pus sur le front de Karl quand il brailla : «On vous a aidé à récolter, sécher, peser et emballer cette foutue came quand vous étiez tous occupés ailleurs ! On mérite une part du gâteau.»

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